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Don De Prophétie: Une Réflexion Biblique Et Historique - Contents
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    Acceptation du don de prophétie - Les années précédant 1850

    Ellen Harmon eut sa première vision en décembre 1844, quelques semaines après la grande déception du 22 octobre 1844. Bien que de nombreux millérites (et notamment les responsables) soient sceptiques concernant les visions en général, beaucoup d’adventistes sabbatistes qui quittèrent le mouvement millérite après cette déception considérèrent que ses visions étaient authentiques et commencèrent à défendre ce qu’ils pensaient être une manifestation du don de prophétie.DDP 300.1

    En fait, il n’est pas surprenant qu’un grand nombre d’adventistes aient rapidement accepté les visions d’Ellen White, si nous prenons en compte le contexte dans lequel ce mouvement apparut 942 Merlin Burt décrit de façon tout à fait intéressante ce contexte. Voir «The Historical Background, Interconnected Development, and Integration of the Doctrines of the Sanctuary, the Sabbath, and Ellen G. White’s Role in Sabbatarian Adventism From 1844 to 1849» (Ph.D. diss., Andrews University, 2002).. Trois éléments peuvent être utiles pour comprendre ce contexte. Premièrement, le paysage religieux en Amérique qui était ouvert aux expériences charismatiques et visionnaires. Comme l’écrivit Nathan Hatch : «De très nombreuses publications de méthodistes et de baptistes, du Nord et du Sud, des personnes noires ou blanches, montrent que beaucoup de gens étaient prêts à considérer que les rêves et les visions étaient inspirés par Dieu et que c’était pour lui un moyen de guider et d’instruire son peuple 943 Nathan O. Hatch, The Democratization of American Christianity (New Haven, Conn. : Yale University Press, 1989), p. 10..» En fait, à cette époque, les véritables conversions étaient presque toujours associées à des manifestations extérieures du Saint-Esprit. Non seulement les croyants s’attendaient à une rencontre surnaturelle avec Dieu par des visions et des rêves, des impressions surnaturelles, des guérisons, des miracles, des signes et autres, mais ils aspiraient à cela. Les femmes et les enfants, notamment dans la tradition méthodiste, avaient également la possibilité de participer aux services de culte en témoignant de leur conversion, des expériences souvent racontées de façon très émotive 944 Lester Ruth, [ed.], Early Methodist Life and Spirituality (Nashville : Kingswood Books, 2005), p. 161 ; voir aussi Catherine A. Brekus, Strangers and Pilgrims : Female Preaching in America, 1740-1845 (Chapel Hill, N.C. : University of North Carolina Press, 1998), pp. 135-137, 145..DDP 300.2

    De plus, la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle furent marqués par l’apparition de nombreux prophètes (ou visionnaires) de toutes sortes, hommes et femmes. S’intéressant à une étude menée sur des sources publiées uniquement (brochures, journaux, publications littéraires et mémoires), Susan Juster identifia au moins 315 hommes et femmes qui étaient reconnus comme prophètes en Angleterre et en Amérique du Nord entre 1750 et 1820. En réalité, ce nombre devait être bien plus élevé car beaucoup d’entre eux étaient illettrés ou ne tenaient pas de journaux personnels. Certains se firent connaître brièvement, alors que d’autres laissèrent un héritage notoire et eurent de nombreux partisans, «parfois même des milliers 945 Susan Juster, Doomsayers : Anglo-Americans Prophecy in the Age of Revolution (Philadelphia : University of Pennsylvania Press, 2003), pp. 22, 64. Joseph Smith et les Mormons en sont un bon exemple.». Il est intéressant de noter qu’il y avait au moins cinq prophètes dans la région de Portland, dans le Maine, et quatre d’entre eux - dont Ellen Harmon - étaient des femmes 946 Rennie Schoephlin, ed., «Scandal or Rite of Passage? Historians on the Dammon Trial», Spectrum 17, n° 5 (August 1987), p. 39. Les autres prophètes étaient Emily Clemons, Dorinda Baker, Phoebe Knapp et William Foy. Voir aussi James Nix, «Another Look at Israel Dammon» (document non publié, Ellen G. White Estate, General Conference, Silver Spring, Md.).. C’est donc dans ce contexte que les adventistes sabbatistes durent prendre position concernant le ministère prophétique d’Ellen White et son authenticité.DDP 301.1

    Dans le cadre de notre étude, un deuxième élément important dans le cadre de notre étude concerne les traditions chrétiennes des premiers fondateurs du mouvement adventiste sabbatiste. Ellen White, par exemple, était méthodiste dans sa jeunesse et, cela a été souligné, elle avait l’habitude des services empreints d’émotion et des expériences de conversion éclatantes. Les deux autres fondateurs, James White et Joseph Bates, venaient de la Christian Connexion. Le but de ce mouvement était de réformer les Églises existantes qui avaient adopté des habitudes non bibliques, et de retrouver la pureté du christianisme du Nouveau Testament. Les «Christians », comme on les appelait, mettaient l’accent sur la prééminence de la Bible. Après tout, William Kinkade (vers 1783), un théologien et l’un des fondateurs de ce mouvement, écrivit qu’il avait adopté toutes ses croyances religieuses en lisant simplement la Bible, «sans note, sans commentaire ni référence 947 Voir William Kinkade, The Bible Doctrine of God, Jesus-Christ, the Holy Spirit, Atonement, Faith, and Election : To Which Is Prefixed Some Thoughts on Natural Theology, and the Truth of Revelation (New York : H. R. Piercy, 1829), pp. iv, vi.». De plus, d’après Kinkade, la doctrine des dons spirituels, dont le don de prophétie, était au cœur du Nouveau Testament. En s’appuyant sur 1 Corinthiens 12.8-12 et Éphésiens 4.11-16, il défendait l’idée de la continuité des dons spirituels jusqu’à la fin des temps. Kinkade soulignait qu’il n’y avait «pas un seul texte dans la Bible» évoquant l’intention de Dieu de mettre fin aux dons spirituels après l’époque apostolique 948Ibid., pp. 333-338.. Comme nous le verrons plus tard, ce point de vue devint l’un des arguments majeurs utilisés par les adventistes sabbatistes pour justifier le don de prophétie d’Ellen White.DDP 301.2

    Le troisième élément important permettant de comprendre pourquoi les adventistes sabbatistes acceptèrent le ministère prophétique d’Ellen White est l’attitude des millérites concernant les visions et les manifestations charismatiques avant et après la grande déception. D’un côté, les millérites étaient familiarisés avec différentes formes d’expressions charismatiques et visionnaires, et beaucoup de leurs rencontres étaient caractérisées par une grande excitation propre à ces activités. William Ellis Foy (1818-1893), par exemple, était un pasteur baptiste libre et un prédicateur millérite qui affirmait avoir eu plusieurs visions au début des années 1840 949 Delbert W. Baker, The Unknown Prophet, 2nd ed. (Hagerstown, Md. : Review and Herald, 2013). Voir aussi William E. Foy, The Christian Experience of William E. Foy Together With the Two Visions He Received in the Months of Jan. and Feb. 1842 (Portland, Maine, J. and C. H. Pearson, 1845).. Ellen White se souvenait avoir vu Foy et lui avoir parlé, et certaines de leurs visions semblent être porteuses du même message 950 Ellen G. White et C. C. Crisler, «Interview with Mrs. E. G. White, Regarding Early Experiences », Manuscript 19-9 ,131 (Ellen G. White Estate, General Conference, Silver Spring, Md.)..DDP 302.1

    D’un autre côté, les responsables millérites étaient sceptiques et considéraient que ces manifestations étaient dangereuses et contraires à la Bible 951 Voir Francis D. Nichol, The Midnight Cry: A Defense of the Character and Conduct of William Miller and the Millerites, Who Mistakenly Believed That the Second Coming of Christ Would Take Place in the Year 1844 (Washington D.C. : Review and Herald, 1944), pp. 321-354.. Ils firent même des déclarations officielles dans lesquelles ils déclaraient n’avoir «aucune confiance dans les visions, les rêves ou les révélations personnelles 952«Declarations of Principles», Midnight Cry, June 15,1843, p. 112. Voir aussi «Address of the Conference», Advent Herald, June 5, 1844, p. 141 ; «Address to the Public», Midnight Cry, Nov. 21,1844, p. 166 ; «Conference of Adventists at New York», Morning Watch, May 15, 1845, p. 158.». George Knight explique à juste titre que leur attitude, notamment après la grande déception, peut être vue comme une réaction envers certaines formes d’excitation religieuse manifestée par les adeptes du spiritisme et d’autres groupes religieux comme les shakers et les mormons, tous dirigés par un prétendu prophète 953 George R. Knight, Millennial Fever and the End of the World : A Study of Millerite Adventism (Boise, Idaho : Pacific Press, 1993), pp. 245-23.. D’après les millérites, Ellen White appartenait à cette catégorie 954 Voir P. Gerard Damsteegt, Foundation ofthe Seventh-day Adventist Message and Mission (Berrien Springs, Mich. : Andrews University Press, 1995), pp. 111, 121. Damsteegt souligne que, même si «les révélations d’Ellen Harmon semblaient être connues et largement commentées à cette époque, beaucoup d’adventistes [millérites] restaient sceptiques concernant ses visions».. Même si les adventistes sabbatistes comme les millérites ne niaient pas l’existence de manifestations prophétiques extrêmesDDP 302.2

    Les arguments qu’ils avançaient avaient donc deux objectifs : (a) établir l’autorité biblique de son don prophétique ; et (b) faire la distinction entre ceux qu’ils considéraient comme des «faux prophètes» qui étaient nombreux au XIXe siècle et d’autres fanatiques, et Ellen White dont le don de prophétie était authentique. Même si tous les adventistes sabbatistes n’acceptèrent pas Ellen White au début, son influence commença à croître et son don fut de plus en plus souvent perçu comme authentique.DDP 303.1

    À la fin des années 1840, les sabbatistes présentèrent quatre arguments bibliques avec des applications pratiques. Voici un aperçu de ces arguments955 La liste est proposée ici uniquement dans un but de clarification. La plupart des articles de l’époque évoquaient ces arguments en bloc, sans faire de distinction aussi claire..DDP 303.2

    Tout d’abord, ils affirmaient que la Bible contenait suffisamment d’éléments permettant de justifier l’existence du don de prophétie. En 1845, James White écrivit :DDP 303.3

    «Les serviteurs de Jésus-Christ n’ont qu’un point d’attache sûr, à savoir les vérités bibliques. Il est vrai que nous attendons les manifestations glorieuses de l’Esprit de Dieu. Et je crois que la Bible veut que nous aspirions à des visions et à l’apparition de personnes pouvant discerner les esprits, même en ces temps de la fin. Mais nous ne pouvons juger que par les fruits qui sont portés. Il y a une sœur, dans le Maine, qui a eu une vision claire du peuple de Dieu se dirigeant vers la Cité de Dieu956 James White, «Letter from bro. White», Day-Star, Sept.6, 1845, p. 17.DDP 303.4

    De nouveau en 1847, quand il publia la première vision d’Ellen White dans A Word to the «Little Flock», la première publication sabbatiste, James White inclut plus de quatre-vingts références bibliques dans le texte original de la vision afin de souligner que son message était en harmonie avec la Bible et ses enseignements957[James White, Ellen G. White, and Joseph Bates ], A Word to the «Little Flock», (Gorham, Maine : James White, 1847), pp. 14-18.. Les arguments de James White étaient le reflet de la tradition chrétienne qui était la sienne, à savoir la «Bible seule» et la conviction que la Bible allait dans le sens de l’existence du don de prophétie.DDP 303.5

    Joseph Bates fit une déclaration similaire dans son livre A Seal of the Living God, publié en 1849, quand il nota que ceux qui «ne croyaient pas aux visions [...] pouvaient tout aussi bien dire qu’ils ne croyaient pas à la Bible ; car certaines, voire même beaucoup de scènes merveilleuses et de promesses faites à l’Église de Dieu avaient été transmises grâce à des visions958 Joseph Bates, A Seal of the Living God : A Hundred Forty-Four Thousand, of the Servants of God Being Sealed, in 1849 (New Bedford, [Mass.] : Benjamin Lindsey, 1849), pp. 27, 28.». Ainsi, les premiers adventistes sabbatistes pensaient que la Bible confirmait que le don de prophétie pouvait se manifester et que le don d’Ellen White était authentique.DDP 303.6

    La deuxième raison pour laquelle les adventistes sabbatistes acceptèrent le fait qu’Ellen White ait des visions dans les années 1840 est liée à l’eschaton, ou les «derniers jours». Cet argument était fondé sur les événements de la Pentecôte relatés dans Actes 2.17-20 en lien avec la prophétie de Joël 2.28-30. Contrairement à beaucoup de chrétiens qui pensaient que le don de prophétie avait pris fin avec l’apôtre Jean, les adventistes sabbatistes considéraient que les dons spirituels, dont le don de prophétie, devaient continuer à exister jusqu’à la fin des temps. Ce don devait se manifester dans les «derniers jours» de l’histoire de l’humanité, à savoir l’époque dans laquelle ils se trouvaient.DDP 304.1

    James White pensait que cet argument basé sur Joël 2 et Actes 2 était l’un des arguments principaux en faveur de l’authenticité du don d’Ellen White. D’après lui, la prophétie de Joël n’avait pas été entièrement accomplie lors de la Pentecôte. Il expliquait que les signes relatifs au soleil et à la lune n’avaient pas été visibles ce jour-là. Il n’y avait pas non plus eu de rêves et des visions. Ainsi, «une partie seulement de cette prophétie s’était accomplie le jour de la Pentecôte», et «tout» devait s’accomplir lors des «derniers jours». Puisque James White interprétait les «derniers jours» comme la période à laquelle il vivait, il pensait que «le temps était venu» pour les croyants de recevoir «des rêves et des visions du Seigneur959 A Word to the «Little Flock », p. 13; Voir aussi James White, «Brother Miller’s Dream», Present Truth, May 1850, p. 73.».Il est intéressant de noter que, quelques années plus tard, il offrit une récompense de cinq cents dollars à quiconque pourrait « trouver un texte du Nouveau Testament montrant que, selon l’autorité divine, les dons spirituels avaient été retirés de l’Église*[James White], « Perpetuity of Spiritual Gifts », Review and Herald, Feb. 11,1862, p. 84. ». Manifestement, James pensait que personne ne le pourrait et qu’il ne perdrait pas son argent.DDP 304.2

    Comme James White, Joseph Bates affirmait que la Bible était « assez claire » » sur le fait que Dieu accorderait des visions à son peuple « dans les derniers jours*Bates, A Seal of the Living God, p. 31. ». Ainsi, si les adventistes sabbatistes vivaient dans les derniers jours de l’histoire de l’humanité comme ils le pensaient, alors le don de prophétie manifesté par Ellen White était attendu. Cet argument fut très souvent utilisé pour justifier leur position.DDP 304.3

    La troisième raison qui explique que les adventistes sabbatistes acceptèrent le don d’Ellen White à cette période est l’influence positive que ses visions exercèrent sur les croyants. Ils appelèrent cela l’argument des « bons fruits ». C’était un argument de nature plus pragmatique que théologique, et qui était fondé sur l’expérience personnelle des croyants. Cependant, même si une majorité d’adventistes sabbatistes acceptèrent le don d’Ellen White, certains avaient malgré tout des doutes. Mais en réfléchissant à la question et en voyant les « bons fruits » que les visions produisaient (individuellement et collectivement), ils finirent par considérer que son don était authentique.DDP 305.1

    L’exemple le plus célèbre est certainement celui de Joseph Bates, le fondateur du mouvement. Voici ce qu’il déclara au sujet d’Ellen White : « J’ai vu l’auteur de ces visons il y a deux ans, et je l’ai alors entendue relater le contenu de ses visions telles qu’elles les a décrites et publiées depuis à Portland (6 avril 1846). Je ne vis rien dans ces visions qui était contraire à la Parole. Pourtant, j’ai éprouvé une grande inquiétude et pendant longtemps j’ai voulu croire qu’il s’agissait uniquement du fruit de son esprit malade*Joseph Bates, « Remarks », A Word to the « Little Flock », p. 21.DDP 305.2

    La déclaration de Joseph Bates est étonnante, car il venait de la Christian Connexion qui faisait preuve d’ouverture concernant l’idée de la continuité des dons. Mais c’est aussi en raison de cette tradition qu’il laissa le champ des possibilités ouvert. Il déclara : « Je doute comme Thomas. Je ne crois pas aux visions. Mais si je pouvais croire que le témoignage donné par notre sœur ce soir était réellement la voix de Dieu s’adressant à nous, je serais le plus heureux des hommes*Cité dans Ellen G. White, Life Sketches of Ellen G. White (Mountain View, Calif.: Pacific Press, 1915), p. 95..”DDP 305.3

    Perplexe, Joseph Bates essaya de réfléchir à la question et il « saisit toutes les occasions […] de lui poser des questions, encore et encore, ainsi qu’aux personnes qui l’accompagnaient, […] afin de découvrir si possible la vérité*Joseph Bates, « Remarks », p. 21.». C’est en novembre 1846 à Topsham, dans le Maine, que Joseph Bates comprit que le don d’Ellen White était authentique, « quand elle eut une vision qui contenait des données astronomiques » décrivant d’autres planètes*. Joseph Bates était un ancien capitaine de marine et il s’intéressait à ce sujet. Ainsi, il connaissait bien les données astronomiques de son temps*Voir Joseph Bates, The Opening Heavens: Or a Connected View of the Testimony of the Prophets and Apostles, Concerning the Opening Heavens Compared With Astronomical Observations: And the Present and Future Locations of the New Jerusalem, the Paradise of God (New Bedford, [Mass.]: Benjamin Lindsey, 1856), p. 6-31. La vision contenait des données astronomiques connues de l'époque. Les adventistes du septième jour ne croient plus à ces données aujourd'hui.. Sachant qu’Ellen White ne savait rien à ce propos, il comprit que cette vision « était hors de portée de sa connaissance et de son contrôle*J. N. Loughborough, « Recollections of the Past — N° 16 », Review and Herald, nov. 30, 1886, p. 745 ; Ellen G. White, Spiritual Gifts, vol. 2 (Battle Creek, Mich.: James White, 1860), p. 83.». Grâce à cette expérience personnelle, Joseph Bates finit par croire au don de prophétie d’Ellen White.DDP 305.4

    De la même façon, après avoir fait des recherches personnelles et été témoin des « fruits » de son activité prophétique, Heman S. Gurney déclara qu’il était convaincu de l’authenticité de son don. Il est intéressant de noter qu’il finança la moitié des coûts de publication d’une brochure relatant sa première vision en 1846*Voir H. S. Gurney, « Recollections of Early Advent Experience », Review and Herald, Jan. 3, 1888, p. 2. La vision fut relatée dans une brochure datée du 6 avril 1846..DDP 306.1

    La manifestation du don de prophétie d’Ellen White porta un autre « bon fruit ”, à savoir sa capacité à réunir les croyants dans « l’unité de la foi » et à les fortifier spirituellement. Otis Nichols, par exemple, utilisa cet argument dans une lettre qu’il adressa à William Miller en 1846. Il souligna que, lorsque les gens comprenaient que les visions d’Ellen White « venaient du Seigneur ”, ces visions « faisaient fondre leur cœur comme s’ils étaient de petits enfants, elles nourrissaient, et fortifiaient les plus faibles, elles les encourageaient à faire preuve de foi et au mouvement du septième jour ». En revanche, il déclara que ceux qui rejetaient ses messages « retournaient rapidement dans le monde et n’avaient qu’une foi superficielle*Otis Nichols à William Miller, 20 Apr., 1846 (Heritage Research Center, Loma Linda University, Calif.).».DDP 306.2

    Les premières rencontres des sabbatistes qui eurent lieu dans les années 1840 furent aussi l’occasion de constater que le don d’Ellen White permettait d’unir les croyants. Par exemple, lors de la rencontre qui eut lieu à Volney, dans l’état de New York, en août 1848, un vif débat eut lieu sur les doctrines bibliques. Mais soudain Ellen White eut une vision dans laquelle elle vit « certaines erreurs de ceux qui étaient présents ainsi que la vérité permettant de corriger ces erreurs ». Suite à cette vision, l’unité fut retrouvée et « la vérité remporta la victoire*». Cependant, cela ne signifie pas qu’Ellen White joua un rôle majeur dans la formulation des croyances des adventistes du septième jour. George Knight souligne ceci : « Le rôle que Mme White joua dans le développement doctrinal consista à confirmer les doctrines et non à les définir . » Après tout, Ellen White avait toujours considéré son don comme une « petite lumière » menant le peuple de Dieu à la « grande lumière » - la Bible . Mais le fait de constater que le don d’Ellen White portait de « bons fruits » et permettait d’unir les croyants encouragea les sabbatistes à considérer que ce don était authentique et sincère.DDP 306.3

    La quatrième raison fut l’existence de faux prophètes. Comme les adventistes millérites, les adventistes ne niaient pas l’existence de faux prophètes, mais ils considéraient que cela n’était pas incompatible avec la manifestation du véritable don de prophétie. Au contraire, les faux prophètes les confortaient dans l’idée qu’il y avait de véritables prophètes . Ainsi, pour les sabbatistes la question n’était pas de savoir si le véritable don de prophétie pouvait se manifester, mais de faire la distinction entre les véritables manifestations prophétiques et les autres. Ils croyaient que la marque distinctive du peuple du reste était la nature prophétique de ses messages en lien avec la Bible.DDP 306.4

    C’est clairement ce qu’Otis Nichols avait à l’esprit quand il écrivit à William Miller que les membres de la Christian Connexion avaient le devoir de ne pas rejeter « les prophéties », mais plutôt de « prouver toutes choses » et de « retenir ce qui était bon (1 Thessaloniciens 5.20,21) ». Essayant de convaincre Miller que le don d’Ellen White était authentique, Nichols souligna que sa première vision était l’accomplissement exact de ce que les millérites avaient vécu lors de la grande déception de 1844 (dans la mesure où lui et les adventistes sabbatistes étaient concernés). Cette vision était aussi conforme au récit biblique .DDP 307.1

    Joseph Bates avait la même position concernant les vrais et les faux prophètes. Comme Nichols, il réfutait l’idée que toutes les visions devaient être considérées comme des manifestations mensongères. « Nous sommes appelés à mettre les esprits à l’épreuve, écrivit-il en 1849, afin de discerner ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. Ainsi, mettons aussi à l’épreuve les visions en les justifiant et en retenant ce qui est bon. » Puis Bates devint plus précis et insista sur le fait que les visions d’Ellen White étaient « clairement » en « harmonie avec la Parole de Dieu et le plan du salut ». Se fiant à l’authenticité des visions, il déclara donc qu’Ellen White était un véritable prophète de Dieu.DDP 307.2

    De la même façon, James White défendit la validité du don de prophétie en évoquant l’existence de faux prophètes. Il souligna que ceux qui rejetaient « les révélations particulières sous prétexte qu’il y avait des faux prophètes pouvaient aller plus loin et nier le fait que Dieu se soit parfois révélé par l’intermédiaire de rêves ou de visions parce que les faux prophètes ont existé de tout temps ».DDP 307.3

    Ainsi, en 1850, les adventistes sabbatistes avaient accepté le ministère prophétique d’Ellen White en soulignant que : (a) son ministère était confirmé par la Bible ; (b) il s’agissait d’une manifestation du Saint-Esprit pour les « derniers jours » ; (c) il portait de « bons fruits » parmi les croyants ; et (d) il était différent des manifestations prophétiques contrefaites de l’époque. Cependant, le don d’Ellen White était considéré plus comme un « signe » qu’une doctrine . Au cours des deux décennies qui suivirent, alors que les adventistes sabbatistes continuaient à développer leurs premiers arguments et défendaient le ministère d’Ellen White, le don de prophétie devint l’un de leurs enseignements distinctifs.DDP 307.4