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    4 - Les Vaudois

    Les ténèbres qui régnèrent sur la terre pendant la longue période de la suprématie papale ne réussirent pas à éteindre complètement la lumière de la vérité. Au cours de chaque siècle il y eut des témoins de Dieu, des hommes qui, attachés à la foi en Christ comme « seul médiateur entre Dieu et les humains»11 Timothée 2.5.’, Considéraient la Bible comme la seule règle de vie et sanctifiaient le véritable sabbat. La postérité ne saura jamais tout ce que le monde doit à ces hommes. On les traita d’hérétiques, on mit en doute leurs motifs, on les diffama. Leurs écrits furent détruits, présentés sous un faux jour ou altérés. Cependant, ils demeurèrent fermes, et, de siècle en siècle, gardèrent leur foi pure comme un héritage sacré destiné à être transmis aux générations à venir.GE3 55.1

    L’histoire du peuple de Dieu pendant les siècles de ténèbres qui suivirent l’accession de Rome à la suprématie est écrite dans le ciel, mais occupe peu de place dans l’histoire des hommes. On trouve peu de traces de son existence à part dans les accusations de ses persécuteurs. La tactique de Rome était d’effacer toute trace de dissidence de ses doctrines ou de ses décrets. Elle s’efforça de détruire tout ce qui était hérétique, qu’il s’agisse de personnes ou d’écrits. Exprimer des doutes au sujet de l’autorité des dogmes de l’Église de Rome, ou les remettre en question pouvait coûter la vie aux riches comme aux pauvres, aux plus élevés comme aux plus humbles. Rome mit également tout en œuvre pour faire disparaître tout récit de ses actes de cruauté envers les dissidents. Les conciles ordonnèrent que les documents et les livres contenant ces récits soient livrés aux flammes. Avant l’invention de l’imprimerie, les livres étaient en petit nombre et difficiles à conserver. Il n’était donc pas difficile, pour l’Église de Rome, d’accomplir ses desseins.GE3 55.2

    Aucune Église située à l’intérieur des limites de la juridiction de Rome ne put continuer longtemps à jouir de la liberté de conscience. Dès que la papauté eut obtenu le pouvoir, elle s’empressa d’écraser tous ceux qui refusaient de reconnaître sa domination; et, l’une après l’autre, les Églises se soumirent à elle.GE3 55.3

    Le christianisme de l’Église primitive avait pris racine très tôt en Grande-Bretagne. L’Évangile reçu par les Britanniques au cours des premiers siècles n’avait pas été corrompu par l’apostasie romaine. La persécution venant des empereurs romains, qui s’étendait jusqu’à ces rivages lointains, fut le seul cadeau que les premières Églises de Grande-Bretagne reçurent de Rome. De nombreux chrétiens, fuyant la persécution qui faisait rage en Angleterre, trouvèrent refuge en Écosse ; de là, la vérité fut apportée en Irlande ; et, dans tous ces pays, elle fut reçue avec joie.GE3 55.4

    Lorsque les Saxons envahirent la Grande-Bretagne, le paganisme domina. Les conquérants n’acceptèrent pas d’être instruits par leurs esclaves, et les chrétiens furent forcés de s’enfuir dans les montagnes et les landes sauvages. Cependant la lumière, cachée pendant quelque temps, continua à brûler. En Écosse, un siècle plus tard, elle brillait avec un éclat qui s’étendait jusqu’aux pays lointains. En Irlande parurent le pieux Columba et ses collaborateurs, qui rassemblèrent autour d’eux les croyants dispersés sur l’île isolée d’Iona, dont ils firent le centre de leurs activités missionnaires. Parmi ces évangélistes se trouvait un observateur du sabbat biblique ; et c’est ainsi que cette vérité fut introduite parmi ces gens. Une école fut créée à Iona. Elle envoya des missionnaires, non seulement en l’Écosse et en Angleterre, mais aussi en Allemagne, en Suisse et même en Italie.GE3 56.1

    Mais Rome avait fixé les yeux sur la Grande-Bretagne et résolut de l’amener sous sa domination. Au VIe siècle, ses missionnaires entreprirent la conversion des Saxons païens. Ils furent accueillis favorablement par ces fiers barbares et ils amenèrent des milliers de personnes à la foi de l’Église romaine. Leur œuvre progressant, les délégués du pape et leurs convertis entrèrent en contact avec les chrétiens primitifs, qui présentaient avec eux un contraste frappant. Ces derniers étaient simples et humbles, se conformant aux Écritures dans leur caractère, leur doctrine et leurs manières; alors que les premiers faisaient étalage de la superstition, la pompe et l’arrogance de la papauté. L’émissaire de Rome exigea de ces Églises chrétiennes qu’elles reconnaissent la suprématie du souverain pontife. Les Britanniques répon-dirent avec douceur que leur désir était d’aimer tous les hommes, mais que le pape n’avait aucun droit à la suprématie dans l’Église, et qu’ils ne pouvaient lui accorder que la soumission due à chaque disciple du Christ. Plusieurs tentatives furent faites pour obtenir leur allégeance à l’Église de Rome. Mais ces humbles chrétiens, étonnés de l’orgueil manifesté par ses émissaires, répondirent avec persévérance qu’ils ne connaissaient pas d’autre maître que le Christ. C’est alors que se révéla le vrai visage de la papauté. Le dirigeant romain déclara : « Si vous ne voulez pas recevoir des frères qui vous apportent la paix, vous subirez des ennemis qui vous apporteront la guerre. Si vous ne voulez pas annoncer avec nous aux Saxons le chemin de la vie, vous recevrez de leurs mains le coup de la mort 2J.H. Merle d’Aubigné, Histoire de la Réformation du seizième siècle, livre 17, chapitre 2..» Ce n’étaient pas de vaines menaces. La guerre, les intrigues et la tromperie furent employées contre ces témoins de la foi biblique, jusqu’à ce que les Églises de Grande-Bretagne soient détruites ou forcées de se soumettre à l’autorité du pape.GE3 56.2

    Dans les pays restés en dehors de la juridiction de Rome, il y eut, pendant des siècles, des groupes de chrétiens qui avaient échappé presque totalement à la corruption papale. Ils étaient entourés par le paganisme, et, au cours des siècles, ils furent affectés par ses erreurs. Mais ils continuèrent à considérer la Bible comme l’unique règle de foi et adhéraient à un grand nombre des vérités qui s’y trouvaient. Ces chrétiens croyaient à la perpétuité de la loi divine et observaient le sabbat du quatrième commandement. Il en était ainsi de certaines Églises en Afrique centrale et parmi les Arméniens d’Asie.GE3 56.3

    Parmi ceux qui résistèrent aux empiètements de la puissance papale, les Vaudois figurent au premier plan. C’est dans le pays même où la papauté avait établi son siège que ses erreurs et sa corruption rencontrèrent la résistance la plus déterminée. Pendant des siècles, les Églises du Piémont conservèrent leur indépendance. Mais le moment arriva où Rome exigea leur soumission. Après avoir lutté sans succès contre sa tyrannie, les dirigeants de ces Églises reconnurent à contrecœur la suprématie du pouvoir auquel le monde entier semblait rendre hommage. Il y en eut cependant quelques-uns qui refusèrent de céder à l’autorité du pape ou des prélats. Ils étaient décidés à garder leur allégeance à Dieu ainsi que la pureté et la simplicité de leur foi. Une scission eut lieu. Ceux qui adhéraient à l’ancienne foi se retirèrent. Certains, abandonnant leurs Alpes natales, plantèrent la bannière de la vérité dans des pays étrangers tandis que d’autres se réfugièrent dans les gorges reculées et les forteresses rocheuses des montagnes et y gardèrent la liberté d’adorer Dieu.GE3 56.4

    La foi pratiquée et enseignée par les chrétiens vaudois pendant des siècles contrastait de manière frappante avec les fausses doctrines professées par Rome. Leurs croyances religieuses reposaient sur la Parole écrite de Dieu, la véritable source du christianisme. Mais ces humbles paysans, dans leurs obscures retraites, loin du monde et voués à leur labeur quotidien parmi leurs troupeaux et leurs vignes, n’étaient pas d’eux-mêmes parvenus à la vérité par opposition aux dogmes et aux hérésies de l’Église apostate. Leur foi n’était pas une innovation. Leur croyance religieuse était l’héritage transmis par leurs pères. Ils luttaient pour la foi de l’Église apostolique, « la foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes » 3Jude 3.. GE3 57.1

    « L’Église du désert » était non pas l’orgueilleuse hiérarchie assise sur le trône de la grande capitale du monde, mais la véritable Église du Christ, la gardienne des trésors de vérité confiés par Dieu à son peuple et destinés à être donnés au monde.GE3 57.2

    Parmi les principales causes qui provoquèrent la scission entre la véritable Église et celle de Rome se trouvait la haine de cette dernière pour le sabbat biblique. Comme l’avait annoncé la prophétie, la puissance papale « jeta la vérité par terre » 4Daniel 8.12. Elle foula aux pieds la loi de Dieu, tout en exaltant les traditions et coutumes humaines. Les Églises qui se trouvaient sous sa domination furent obligées très tôt à honorer le dimanche comme jour sacré. Environnés d’erreurs et de superstitions, beaucoup, parmi le véritable peuple de Dieu, furent si troublés que, tout en observant le sabbat, ils s’abstenaient de travailler également le dimanche. Mais cette attitude ne satisfaisait pas encore les dirigeants papaux. Ils exigèrent, non seulement qu’on sanctifie le dimanche, mais aussi qu’on profane le sabbat. Ils dénoncèrent dans les termes les plus acerbes ceux qui osaient encore honorer ce jour. Ce n’est qu’en fuyant la puissance de Rome qu’on pouvait encore obéir en paix à la loi divine.GE3 57.3

    Les Vaudois furent parmi les premiers des peuples européens à posséder une traduction des Saintes Écritures 5Voir appendice, note 11.. Des centaines d’années avant la Réforme, ils possédaient une version manuscrite de la Bible dans leur langue maternelle. Ils possédaient la vérité à l’état pur, et furent pour cela la cible particulière de la haine et de la persécution. Ils déclaraient que l’Église de Rome était la Babylone apostate de l’Apocalypse, et, au péril de leur vie, se dressaient pour résister à sa corruption. Bien que, sous la pression d’une persécution qui dura des siècles, quelques-uns aient fait des compromis avec leur foi, cédant peu à peu sur ses principes distinctifs, d’autres restèrent fermement attachés à la vérité. À travers des siècles de ténèbres et d’apostasie, il y eut toujours des Vaudois qui nièrent la suprématie de Rome. Ils rejetèrent le culte des images, qu’ils considéraient comme une idolâtrie, et observèrent le véritable sabbat* Voir appendice, note 12.. Face aux plus violentes tempêtes de l’opposition, ils gardèrent leur foi. Bien que percés par les lances des Savoyards et brûlés sur les bûchers de l’Église romaine, ils restèrent résolument fidèles à la Parole de Dieu et à son honneur.GE3 57.4

    C’est derrière les hautes fortifications des montagnes, asile des persécutés et des opprimés de tous les siècles, que les Vaudois trouvèrent refuge. C’est là qu’ils entretinrent la lumière de la vérité au sein des ténèbres du Moyen Âge. C’est là que, pendant un millénaire, ces témoins de la vérité conservèrent la foi primitive.GE3 58.1

    Dieu avait ménagé à son peuple un abri d’une majesté impressionnante, qui convenait bien aux grandes vérités qui leur avaient été confiées. Aux yeux de ces fidèles exilés, leurs montagnes étaient un emblème de la justice éternelle du Seigneur. Montrant à leurs enfants les hauteurs qui les surplombaient dans leur majesté immuable, ils leur parlaient de celui « chez qui il n’y a ni changement ni éclipse » 6Jacques 1.17., et dont la Parole est aussi durable que les collines éternelles. C’est Dieu qui avait planté les montagnes et les avait ceintes de force ; aucun bras autre que celui de la puissance infinie ne pouvait les déplacer. De même, il avait établi sa loi, fondation de son gouvernement dans le ciel et sur la terre. Le bras de l’homme peut atteindre ses semblables et leur ôter la vie, mais il pourrait plus facilement déraciner les montagnes de leurs fondations et les jeter dans la mer que changer un seul précepte de la loi de Jéhovah ou effacer une seule des promesses faites à ceux qui font sa volonté. Les serviteurs de Dieu doivent être aussi fermes dans leur fidélité à sa loi que les collines éternelles.GE3 58.2

    Les montagnes qui entouraient les humbles vallées des Vaudois étaient des témoins permanents de la puissance créatrice de Dieu et une assurance sans faille de sa protection. Ces pèlerins apprirent à aimer ces symboles silencieux de la présence du Seigneur. Ils ne se permettaient aucune plainte au sujet de la dureté de leur sort, car ils n’étaient jamais seuls au sein de ces montagnes solitaires. Ils remerciaient Dieu de leur avoir fourni un asile contre la colère et la cruauté des hommes. Ils se réjouissaient de pouvoir adorer Dieu librement. Souvent, lorsque des ennemis les poursuivaient, la force de ces collines leur assurait une défense sûre. Depuis les hautes falaises, ils chantaient la gloire de Dieu, et les armées de Rome ne pouvaient faire taire leurs chants d’actions de grâce.GE3 58.3

    La piété de ces disciples du Christ était pure, simple et fervente. Ils attachaient plus de prix aux principes de la vérité qu’à leurs maisons, leurs terres, leurs amis, leurs familles, et même qu’à leur propre vie. Ils s’efforçaient avec ferveur d’inculquer ces principes dans le choeur des jeunes. Depuis leur plus tendre enfance, ils les instruisaient dans la connaissance des Écritures et leur enseignaient à considérer comme sacrées les exigences de la loi de Dieu. Les exemplaires de la Bible étaient rares ; c’est pourquoi ils apprenaient par chœur ses précieuses paroles. Beaucoup d’entre eux étaient capables de réciter de longs passages de l’Ancien comme du Nouveau Testament. Ils reconnaissaient la main de Dieu dans le sublime spectacle de la nature comme dans les humbles bénédictions de la vie quotidienne. Ils apprenaient aux petits enfants à considérer Dieu avec reconnaissance, en tant que dispensateur de toute faveur et de toute consolation.GE3 58.4

    Si tendres et affectueux que fussent les parents, ils aimaient leurs enfants avec trop de sagesse pour leur permettre de s’apitoyer sur eux-mêmes. Une vie d’épreuves et de difficultés — qui pouvaient même s’achever par le martyre — les attendait peut-être. Ils les éduquaient dès l’enfance à supporter les rigueurs de la vie, à se soumettre à la discipline, et cependant, à penser et agir par eux-mêmes. Ils leur apprenaient très tôt à porter des responsabilités, à veiller sur leurs paroles et à comprendre la sagesse du silence. Une parole imprudente, tombant dans l’oreille de leurs ennemis, pouvait mettre en danger non seulement la vie de celui qui l’avait prononcée, mais aussi celle de centaines de ses frères. Car, comme des loups à la recherche de leur proie, les ennemis de la vérité poursuivaient ceux qui osaient prétendre à la liberté religieuse.GE3 58.5

    Les Vaudois avaient sacrifié leur prospérité terrestre à la cause de la vérité. Avec une patience persévérante, ils travaillaient dur pour gagner leur pain. Ils exploitaient avec soin chaque parcelle de terre cultivable dans les montagnes; mais ils obtenaient également des récoltes dans les vallées et sur les coteaux moins fertiles. L’économie et une stricte abnégation faisaient partie de l’éducation reçue par les enfants comme seul héritage. On leur enseignait que Dieu a voulu une discipline pour la vie, et qu’ils devaient subvenir à leurs besoins par le travail personnel, l’économie et la foi en Dieu. Ce processus était laborieux et fatigant, mais il était sain. Il correspondait exactement à ce dont l’homme avait besoin dans sa nature déchue. C’était l’école que Dieu avait prévue pour sa formation et son épanouissement. Les jeunes étaient formés pour le travail et les difficultés de la vie, mais on ne négligeait pas pour autant leur développement intellectuel. On leur apprenait que toutes leurs facultés appartenaient à Dieu et que toutes devaient être utilisées et développées pour son service.GE3 59.1

    Les Églises vaudoises, par leur pureté et leur simplicité, ressemblaient à l’Église de l’époque apostolique. Rejetant la suprématie du pape et de ses prélats, elles considéraient la Bible comme la seule autorité suprême et infaillible. Leurs pasteurs, contrairement aux prêtres hautains de l’Église de Rome, suivaient l’exemple de leur Maître, qui « n’est pas venu pour être servi, mais pour servir » 7Marc 10.45.. Ils paissaient le troupeau de Dieu en le conduisant vers les verts pâturages et les fontaines d’eau vive de sa sainte Parole. Loin des monuments érigés par la pompe et l’orgueil humains, les Vaudois s’assemblaient non dans de magnifiques églises ou de grandioses cathédrales, mais à l’ombre des montagnes, dans les vallées des Alpes, ou, en cas de danger, dans quelque forteresse rocheuse, pour écouter la parole de vérité prêchée par les serviteurs du Christ. Les pasteurs non seulement prêchaient l’Évangile, mais visitaient aussi les malades, assuraient l’instruction religieuse des enfants, exhortaient les égarés et travaillaient à régler les disputes et à promouvoir l’harmonie et l’amour fraternel. Pendant les périodes de paix, ils étaient soutenus financièrement par les offrandes volontaires des gens du peuple ; mais, comme Paul, le « fabricant de tentes » 8Actes 18.3., chacun apprenait un métier ou une profession lui permettant, si nécessaire, de pourvoir à ses propres besoins.GE3 59.2

    Les pasteurs assuraient l’instruction des jeunes. Tout en accordant de l’attention aux diverses branches des études générales, c’était la Bible qui était le principal sujet d’étude. Les jeunes apprenaient par cœur les Évangiles de Matthieu et de Jean, ainsi que plusieurs épîtres. Ils recopiaient aussi des exemplaires des Écritures.GE3 59.3

    Certains manuscrits contenaient la Bible entière, d’autres, seulement de brèves portions, auxquelles ceux qui étaient capables d’expliquer les Écritures ajoutaient quelques simples commentaires. C’est ainsi que les trésors de vérité, dissimulés pendant si longtemps par ceux qui cherchaient à s’élever au-dessus de Dieu, étaient ramenés au grand jour.GE3 60.1

    Par un travail inlassable et persévérant, réalisé parfois dans les cavernes profondes et sombres de la terre, à la lueur des torches, les Saintes Écritures étaient recopiées, verset par verset, chapitre par chapitre. C’est ainsi que cette œuvre se poursuivait. La volonté révélée de Dieu brillait comme de l’or pur, plus étincelante, plus claire et plus puissante grâce aux épreuves endurées par amour pour elle. Seuls ceux qui participaient à cette œuvre pouvaient s’en rendre compte. Des anges du ciel entouraient ces fidèles ouvriers.GE3 60.2

    Satan avait poussé les prêtres et les prélats à enterrer la Parole de vérité sous les décombres de l’erreur, de l’hérésie et de la superstition. Mais, d’une manière tout à fait merveilleuse, elle fut préservée sans tache à travers tous ces siècles de ténèbres. Elle ne portait pas l’empreinte de l’homme, mais celle de Dieu. Les hommes s’étaient montrés infatigables dans leurs efforts pour obscurcir le sens clair et simple des Écritures et pour les amener à se contredire elles-mêmes. Cependant, comme l’arche flottant sur les flots déchaînés, la Parole de Dieu traverse les tempêtes qui la menacent de destruction. De même qu’une mine recèle de riches filons d’or et d’argent cachés sous la surface de la terre, de sorte que ceux qui désirent découvrir ses précieux trésors doivent creuser profondément, de même les Saintes Écritures recèlent des trésors de vérité qui ne se révèlent qu’au chercheur fervent, humble et animé d’un esprit de prière. Dieu a voulu que la Bible soit un livre pédagogique destiné à toute l’humanité pendant l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte, et qu’il soit étudié à toutes les époques. Il a donné sa Parole aux hommes comme une révélation de lui-même. Chaque vérité découverte est une nouvelle révélation du caractère de son Auteur. L’étude des Écritures est le moyen voulu par Dieu pour amener les hommes à une communion plus étroite avec leur Créateur et pour leur donner une connaissance plus claire de sa volonté. C’est le moyen de communication entre Dieu et l’homme.GE3 60.3

    Tout en considérant la crainte du Seigneur comme « le commencement de la sagesse »9Psaume 111.10., les Vaudois voyaient l’importance d’une relation avec le monde, de la connaissance des hommes et de la vie active afin d’élargir leur esprit et affiner leurs facultés de perception. Depuis leurs écoles des montagnes, quelques-uns étaient envoyés dans les établissements d’enseignement de villes de France ou d’Italie, qui leur offraient un champ d’étude, de pensée et d’observation plus vaste que dans leurs Alpes natales. Les jeunes ainsi envoyés étaient exposés à la tentation. Ils étaient témoins du vice et rencontraient les agents retors de Satan, qui essayaient de leur faire accepter les hérésies les plus subtiles et les tromperies les plus dangereuses. Mais l’éducation qu’ils avaient reçue dès l’enfance les avait préparés à faire face.GE3 60.4

    Dans les établissements d’enseignement qu’ils fréquentaient, ils ne devaient se fier à personne. Leurs vêtements était faits de manière à cacher leur plus grand trésor: les précieux manuscrits des Écritures. Ils transportaient sur eux ces manuscrits, qui avaient coûté des mois et des années de travail. Chaque fois qu’ils pou vaient le faire sans éveiller les soupçons, ils en plaçaient prudemment quelques pages auprès de ceux dont le cœur semblait ouvert à recevoir la vérité. Depuis le giron de leur mère, les jeunes Vaudois avaient été éduqués avec cet objectif. Ils comprenaient leur devoir et l’accomplissaient fidèlement. Dans ces grandes écoles, ils gagnaient des cœurs à la véritable foi. Souvent, les principes bibliques se répandaient dans tout l’établissement. Cependant, les dirigeants papaux ne parvenaient pas — même par leurs enquêtes les plus approfondies — à découvrir l’origine de ces prétendues hérésies corruptrices.GE3 60.5

    L’esprit du Christ est un esprit missionnaire. Le premier désir d’un cœur régénéré est d’amener d’autres personnes au Sauveur. Tel était l’esprit des chrétiens vaudois. Ils avaient le sentiment que Dieu attendait d’eux non seulement qu’ils préservent la vérité dans sa pureté dans leurs propres Églises, mais aussi qu’ils prennent la responsabilité solennelle de faire briller cette lumière devant ceux qui se trouvaient dans les ténèbres. Par la grande puissance de la Parole de Dieu, ils s’efforçaient de briser l’esclavage imposé par Rome.GE3 61.1

    Les prédicateurs vaudois recevaient une formation de missionnaires, car on attendait de tous ceux qui voulaient entrer dans le ministère qu’ils acquièrent d’abord une expérience en tant qu’évangélistes. Chacun devait servir pendant trois ans dans un champ missionnaire avant de recevoir la responsabilité d’une Église dans son pays. Ce service — qui exigeait dès le début un esprit d’abnégation et de sacrifice — était une excellente introduction à la vie de pasteur, surtout à une époque où l’âme des hommes était mise à l’épreuve. Les jeunes qui recevaient la consécration au saint ministère avaient en perspective non la richesse et la gloire terrestres, mais une vie de labeur et de danger, avec, peut-être même, le martyre. Ces missionnaires allaient deux par deux, comme lorsque Jésus avait envoyé ses disciples. Chaque jeune homme était généralement associé à un homme plus âgé et plus expérimenté. Le plus jeune travaillait sous la direction de son compagnon. Ce dernier était responsable de la formation du plus jeune, qui devait suivre ses instructions. Ces collaborateurs ne passaient pas tout leur temps ensemble, mais se rencontraient souvent pour prier et se consulter, se fortifiant ainsi l’un l’autre dans la foi.GE3 61.2

    Révéler l’objet de leur mission aurait assuré son échec, aussi en dissimulaient-ils donc soigneusement le véritable caractère. Chacun de ces missionnaires exerçait un métier ou une profession et s’acquittait de sa tâche sous ce couvert. Ils choisissaient généralement le métier de marchand ambulant. « Ils transportaient des soieries, des bijoux et autres articles, difficiles à se procurer à cette époque sauf en des marchés éloignés ; et ils étaient bien accueillis comme marchands, alors qu’on les aurait rejetés comme missionnaires 10J. A. Wylie, Histoire du protestantisme, livre 1, chapitre 7.. » Constamment, leur cœur s’élevait vers Dieu, réclamant la sagesse nécessaire pour présenter leur trésor, plus précieux que de l’or ou les joyaux. Ils transportaient secrètement sur eux des exemplaires complets ou partiels de la Bible. Chaque fois que l’occasion s’en présentait, ils attiraient l’attention de leurs acheteurs vers ces manuscrits. Souvent, l’intérêt pour la lecture de la Parole de Dieu était ainsi éveillé, et ils offraient avec joie quelques pages des Écritures à ceux qui le désiraient.GE3 61.3

    Le travail de ces missionnaires commençait dans les plaines et les vallées, au pied de leurs propres montagnes et s’étendait bien au-delà de ces limites. Pieds nus, vêtus de vêtements grossiers et couverts de la poussière du chemin, comme l’était leur Maître, ils traversaient de grandes villes et pénétraient dans des pays éloignés. Partout, ils répandaient la précieuse semence. Des Églises étaient suscitées sur leur passage, et le sang des martyrs témoignait en faveur de la vérité. Le jour de Dieu révélera une riche moisson d’âmes gagnées par le travail de ces hommes fidèles. Voilée et silencieuse, la Parole de Dieu faisait son chemin au sein de la chrétienté. Elle était bien reçue dans les foyers et dans le cœur des hommes.GE3 61.4

    Pour les Vaudois, les Écritures étaient non seulement le récit des interventions divines en faveur des hommes dans le passé et la révélation des responsabilités et des devoirs de la vie présente, mais aussi l’annonce des dangers et des gloires à venir. Ils croyaient que la fin de toutes choses n’était pas très éloignée, et, en étudiant la Bible avec prière et avec larmes, ils étaient très profondément impressionnés par ses précieuses déclarations et plus encore pénétrés de leur devoir de faire connaître aux autres ses vérités salutaires. Ils voyaient le plan du salut clairement révélé dans ses pages sacrées et trouvaient réconfort, espérance et paix dans leur foi en Jésus. La lumière illuminant leur entendement et réjouissant leur cœur, ils aspiraient à faire briller ses rayons sur ceux qui étaient dans l’obscurité de l’erreur papale.GE3 62.1

    Ils voyaient que, sous la direction du pape et des prêtres, des foules de gens tentaient vainement d’obtenir le pardon divin en mortifiant leur corps pour expier leurs péchés. Comme on avait enseigné à ces personnes à se confier en leurs bonnes œuvres pour leur salut, elles regardaient constamment à elles-mêmes ; leur esprit s’attardait sur leur état de péché. Se voyant exposées à la colère divine, elles affligeaient leur âme et leur corps d’austérités, sans trouver de soulagement. C’est ainsi que des âmes consciencieuses se trouvaient prisonnières des doctrines de Rome. Des milliers de personnes abandonnaient amis et famille pour passer leur vie dans la cellule d’un couvent. Par des jeûnes répétés et de cruelles flagellations, par des veilles nocturnes, en se prosternant pendant de longues heures sur le dallage froid et humide de leurs tristes demeures, par de longs pèlerinages, par des pénitences humiliantes et d’effrayants supplices, nombre de gens cherchaient vainement à apaiser leur conscience. Accablés par leur sentiment de culpabilité et hantés par la crainte de la colère vengeresse de Dieu, beaucoup d’entre eux souffraient indéfiniment, jusqu’à ce que leur corps, épuisé, abandonne la partie. Ils descendaient au tombeau sans un seul rayon de lumière ou d’espérance.GE3 62.2

    Les Vaudois désiraient apporter à ces âmes affamées le Pain de vie, leur tansmettre les messages de paix contenus dans les promesses de Dieu et les diriger vers le Christ, leur seul espoir de salut. Ils considéraient comme erronée la doctrine prétendant que les bonnes œuvres peuvent expier la transgression de la loi divine. La confiance dans les mérites humains empêche de discerner l’amour infini du Christ. Jésus est mort en sacrifice pour l’homme, car notre race déchue ne peut rien faire pour se racheter aux yeux de Dieu. Ce sont les mérites d’un Sauveur crucifié et ressuscité qui sont les fondements de la foi du chrétien. La dépendance de l’âme par rapport au Christ et notre union avec lui doit être aussi réelle et étroite que le lien entre un membre et le corps, ou entre un sarment et un cep de vigne 11Jean 15.5.GE3 62.3

    Les enseignements des papes et des prêtres avaient amené les hommes à considérer le caractère de Dieu, et même celui du Christ, comme austère, triste et effrayant. Le Sauveur était représenté comme étant si dénué de sympathie pour l’homme déchu que la médiation des prêtres et des saints était une nécessité. Ceux dont l’esprit avait été éclairé par la Parole de Dieu aspiraient à diriger ces âmes vers Jésus, leur Sauveur compatissant et aimant, qui, les bras ouverts, invite tous les hommes à venir à lui avec le fardeau de leurs péchés, leurs soucis et leur fatigue. Ils aspiraient à balayer les obstacles que Satan avait accumulés pour empêcher les hommes de voir les promesses divines et de venir directement à Dieu pour confesser leurs péchés et obtenir le pardon et la paix.GE3 62.4

    Le missionnaire vaudois exposait avec ardeur aux âmes assoiffées les précieuses vérités de l’Évangile. Prudemment, il présentait quelques pages, écrites avec soin, des Saintes Écritures. C’était sa plus grande joie de pouvoir apporter l’espérance à une âme consciencieuse et chargée de péché qui ne connaissait qu’un Dieu de vengeance, prêt à exécuter la justice. Les lèvres tremblantes, les yeux remplis de larmes, souvent à genoux, il offrait à ses frères les précieuses promesses qui révèlent le seul espoir du pécheur. C’est ainsi que la lumière de la vérité pénétrait dans de nombreux esprits enténébrés, repoussant le nuage de tristesse jusqu’à ce que le « soleil de la justice 12Malachie 3.20 ou 4.2 selon les versions bibliques.» brille dans leur cœur en apportant la guérison par ses rayons. Il arrivait souvent que le missionnaire doive lire à plusieurs reprises le même passage des Écritures, sur la demande de son auditeur, comme si celui-ci voulait s’assurer qu’il avait bien entendu. On lui réclamait souvent de répéter ces paroles: « Le sang de Jésus, son Fils, nous purifie de tout péché » 131 Jean 1.7.; « Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut, de même, que le Fils de l’homme soit élevé, pour que quiconque croit ait en lui la vie éternelle 14Jean 3.14, 15.. »GE3 63.1

    De nombreuses personnes étaient détrompées au sujet des prétentions de Rome. Elles réalisaient l’inutilité de la médiation d’hommes ou d’anges en faveur du pécheur. Lorsque la véritable lumière se faisait dans leur esprit, elles s’écriaient avec joie : « Le Christ est mon prêtre ! Son sang est mon sacrifice ! Son autel est mon confessionnal ! » Elles se confiaient totalement dans les mérites de Jésus, répétant ces paroles : « Sans la foi, il est impossible de lui plaire 15Hébreux 11.6.. » « Il n’y a sous le ciel aucun autre nom donné parmi les humains par lequel nous devions être sauvés 16Actes 4.12.. ”GE3 63.2

    L’assurance de l’amour du Sauveur semblait trop belle pour que certains, parmi ces pauvres âmes battues par les tempêtes, puissent s’en rendre compte pleinement. Le soulagement apporté était si grand, la lumière répandue sur ces personnes si abondante qu’elles avaient l’impression d’être transportées au ciel. Elles plaçaient leur main avec confiance dans celle du Christ; leurs pieds se plantaient fermement sur le Rocher des siècles. Toute crainte de la mort avait disparu. Elles pouvaient maintenant désirer la prison et le bûcher si elles pouvaient, de cette manière, honorer le nom de leur Rédempteur.GE3 63.3

    C’est ainsi que la Parole de Dieu était présentée et lue dans des lieux secrets, parfois à une seule âme, parfois à un petit groupe assoiffé de lumière et de vérité. Souvent, la nuit entière se passait de cette manière. L’étonnement et l’admiration des auditeurs était si grands que, souvent, le messager de la miséricorde devait interrompre sa lecture jusqu’à ce que les personnes présentes aient pu saisir la bonne nouvelle du salut. On posait souvent des questions telles que celles-ci :GE3 63.4

    « Dieu acceptera-t-il vraiment mon offrande ? Me sourira-t-il ? Me pardonnera-t-il ? » La réponse était alors lue : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous la charge ; moi, je vous donnerai le repos 17Matthieu 11.28.. »GE3 64.1

    La foi s’emparait de la promesse, et la réponse joyeuse se faisait entendre : « Plus de longs pèlerinages à faire! Plus de pénibles voyages jusqu’aux lieux saints! Je peux venir à Jésus tel que je suis, pécheur et impur, et il ne rejettera pas ma prière de repentance. Il me dira : “Tes péchés sont pardonnés” 18Matthieu 9.2.. Les miens, oui, même les miens peuvent l’être!”GE3 64.2

    Une onde de joie sacrée remplissait les cœurs, et le nom de Jésus était glorifié par des louanges et des actions de grâce. Ces âmes heureuses rentraient chez elles pour diffuser de leur mieux la lumière, pour répéter aux autres leur nouvelle expérience, déclarant qu’elles avaient découvert le Chemin vivant et véritable. Il y avait, dans les paroles des Écritures, un pouvoir étrange et solennel qui parlait directement au cœur de ceux qui aspiraient à la vérité. C’était la voix de Dieu, qui apportait la conviction à ceux qui l’entendaient.GE3 64.3

    Le messager de la vérité repartait ; mais son humble apparence, sa sincérité et sa profonde ferveur faisaient l’objet de fréquentes remarques. Dans de nombreux cas, ses auditeurs ne lui avaient pas demandé d’où il venait, ni où il allait. Ils avaient été si submergés, d’abord de surprise, puis de reconnaissance et de joie, qu’ils n’avaient pas pensé à lui poser des questions. Lorsqu’ils l’avaient invité à les accompagner chez eux, il leur avait répondu qu’il devait visiter les brebis perdues du troupeau. «Aurait-il pu s’agir d’un ange des cieux?» se demandaient-ils.GE3 64.4

    Dans de nombreux cas, on ne revoyait plus ce messager de la vérité. Il était parti vers d’autres pays, ou bien il moisissait dans quelque cachot inconnu, ou peut-être même ses os blanchissaient-ils à l’endroit où il avait rendu témoignage à la vérité. Mais les paroles qu’il avait laissées derrière lui ne pouvaient être effacées. Elles accomplissaient leur œuvre dans le cœur des hommes. Les résultats bénis ne seront pleinement connus qu’au jour du jugement.GE3 64.5

    Les missionnaires vaudois envahissaient le royaume de Satan, et les puissances des ténèbres manifestèrent une plus grande vigilance. Le prince du mal observait chaque effort pour faire avancer la vérité, et il excita les craintes de ses agents. Les dirigeants papaux discernèrent dans les travaux de ces humbles marchands itinérants un signe de danger pour leur cause. Si on laissait la lumière de la vérité briller sans obstacle, elle dissiperait les lourds nuages de l’erreur qui enveloppaient les gens du peuple; elle dirigerait les esprits des hommes vers Dieu seul et détruirait finalement la suprématie de Rome.GE3 64.6

    L’existence même de ce peuple qui gardait la foi de l’ancienne Église constituait un témoignage permanent de l’apostasie de Rome, et suscita donc la haine et les persécutions les plus violentes. Le refus des Vaudois d’abandonner les Écritures constituait également un délit que Rome ne pouvait tolérer. Elle décida de les faire disparaître de la surface de la terre. Alors commencèrent les plus terribles croisades contre le peuple de Dieu, dans leurs montagnes natales. Des inquisiteurs furent envoyés sur leurs traces, et la scène du meurtre de l’innocent Abel tombant sous les coups de Caïn, son frère, se répéta souvent.GE3 64.7

    À de nombreuses reprises, leurs terres fertiles furent dévastées, leurs maisons et leurs chapelles rasées, de sorte que, là où il y avait eu les champs florissants et les maisons d’un peuple innocent et travailleur, il ne restait que le désert. De même que les bêtes de proie sont encore plus excitées par le goût du sang, de même la rage des papistes était portée à une intensité encore plus grande par les souffrances de leurs victimes. Beaucoup de ces témoins de la foi pure furent poursuivis à travers les montagnes et traqués jusque dans les vallées où ils se cachaient, camouflés par les profondes forêts et les cimes des rochers.GE3 65.1

    Aucune accusation ne pouvait être portée contre le caractère moral de cette classe de proscrits. Leurs ennemis eux-mêmes les reconnaissaient comme un peuple paisible, tranquille et pieux. Leur crime était de ne pas adorer Dieu selon la volonté du pape. À cause de cela, toutes les humiliations, toutes les insultes et tous les supplices que purent inventer les hommes ou les démons, furent dirigés contre eux.GE3 65.2

    Lorsque Rome décida d’exterminer cette secte haïe, le pape promulgua une bulle condamnant ses membres comme hérétiques et les livrant au massacre 19Voir appendice, note 13.. On ne les accusa pas d’être oisifs, ni malhonnêtes, ni désordonnés ; mais on déclara qu’ils avaient une apparence de piété et de sainteté qui séduisait « les brebis du véritable bercail ». Le pape ordonnait donc que les membres de « cette secte pernicieuse et abominable de malfaiteurs”, s’ils « refusent d’abjurer, soient écrasés comme des serpents venimeux 20J. A. Wylie, op. cit., livre 16, chapitre 1er.». Ce hautain potentat s’attendait-il à retrouver un jour ces paroles qu’il avait proférées ? Savait-il qu’elles étaient inscrites dans les registres du ciel et qu’il devrait en rendre compte au jour du jugement? «Dans la mesure où vous avez fait cela pour l’un de ces plus petits, l’un de mes frères, dit Jésus, c’est à moi que vous l’avez fait 21Matthieu 25.40..”GE3 65.3

    Cette bulle invitait tous les membres de l’Église à se joindre à la croisade contre les hérétiques. Pour les encourager à s’engager dans cette œuvre cruelle, elle « absolvait de toute peine et sanction ecclésiastique, générale et particulière; elle libérait tous ceux qui participeraient à cette croisade de tout serment qu’ils aient pu faire; elle légitimait le titre de toute propriété illégalement acquise; et elle promettait la rémission de tous leurs péchés à ceux qui tueraient un hérétique. Elle annulait tous les contrats faits en faveur des Vaudois, ordonnait à leurs domestiques de quitter leur service, interdisait de leur apporter une aide quelconque et permettait à toute personne de s’emparer de leurs biens 22J. A. Wylie, op. cit., livre 16, chapitre 1er..” Ce document révèle clairement l’esprit directeur caché en coulisses. C’était le rugissement du dragon, et non la voix du Christ, qui se faisait entendre.GE3 65.4

    Les dirigeants de l’Église romaine ne voulaient pas conformer leur caractère à la grande norme de la loi de Dieu. Mais ils érigèrent une autre norme à leur convenance et décidèrent de forcer tout le monde à s’y conformer parce que telle était la volonté de Rome. Les plus horribles tragédies furent perpétrées. Des prêtres et des papes corrompus et blasphémateurs accomplissaient l’œuvre indiquée par Satan. La miséricorde ne trouvait aucune place dans leur cœur. Le même esprit qui avait causé la crucifixion de Jésus, la mise à mort des apôtres, et qui avait poussé le sanguinaire Néron à s’attaquer aux fidèles de son époque était maintenant à l’œuvre pour débarrasser la terre de ceux qui étaient les bien-aimés de Dieu.GE3 65.5

    Les membres de ce peuple qui craignait Dieu endurèrent pendant des siècles les persécutions qui s’abattirent sur eux avec une patience et une constance qui honoraient leur Rédempteur. Malgré les croisades lancées contre eux et les tortures inhumaines auxquelles ils furent soumis, ils continuèrent à envoyer des missionnaires pour répandre la précieuse vérité. On les pourchassait jusqu’à la mort. Cependant, leur sang irriguait la semence semée qui ne manquait pas de porter du fruit. C’est ainsi que les Vaudois témoignèrent pour Dieu des siècles avant la naissance de Luther. Dispersés en de nombreux pays, ils plantèrent les semences de la Réforme qui commença à l’époque de Wycliffe, gagna en étendue et en profondeur à l’époque de Luther, et devra être menée à bien jusqu’à la fin des temps par ceux qui sont tout autant disposés que les Vaudois à souffrir toutes choses « à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus 23Apocalypse 1.9. ».GE3 66.1

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