Rechercher le meilleur - le don de prophétie

Les remarques de Paul au sujet du don de prophétie ont pour cadre «une discussion dont le but était de revoir l’emploi quelque peu abusif du don des langues dans l’Église de Corinthe» ^{587Fee,The First Epistle to the Corinthians, p. 652 ; Robeck, p. 758.}. Dans le chapitre 12, il plaide pour une diversité des dons spirituels et déclare que le don des langues n’est que l’une des manifestations de l’Esprit ^{5881 Corinthiens 12.4-11,28-30.}. Cette diversité des dons spirituels est le reflet d’une profession de foi christologique authentique (1 Corinthiens 12.2,3), du baptême du Saint-Esprit (verset 13) ^{589L’expression «dans un seul Esprit» décrit la réalité qui a été présentée à tous les croyants de Corinthe - le Saint-Esprit. Paul pense à l’expérience de leur conversion et évoque l’élément le plus important, l’effusion de l’Esprit. Les croyants (des membres ayant divers dons spirituels) découvrent donc quelle est la nature du corps auquel ils appartiennent - «dans un seul Esprit». Voir Fee, The First Epistle to the Corinthians, pp. 605, 606 ; Kenneth E. Bailey, Paul through Mediterranean Eyes : Cultural Studies in 1 Corinthians (Downers Grove, Ill. : IVP Academic, 2011), pp. 325-348. Aucune «autre expérience de quelque sorte que ce soit» n’est évoquée.} et de la dépendance mutuelle des croyants en tant que membres du même corps en Christ ^{590 D. A. Carson, Showing the Spirit: A Theological Exposition of1 Corinthians 12-14 (Grand Rapids : Baker Academic, 1987), pp. 1550; Talbert, pp. 103-108.}.DDP 205.4

Dans le chapitre 13, Paul insiste sur le fait que, quel que soit le don que l’on puisse avoir ou notre degré de spiritualité, cela ne sert à rien si nous ne faisons pas preuve d’amour (1 Corinthiens 12.31-14.1a) ^{591Il est question de la motivation de l’amour (1 Corinthiens 13.1-3), de la façon d’aimer (versets 4 à 7), de la constance de l’amour (verset 8), de la suprématie de l’amour (verset 13). Cette supériorité de l’amour et ses caractéristiques suivent le schéma aba’ : (a) la supériorité de l’amour - versets 1-3 ; (b) les caractéristiques de l’amour - versets 4-7 ; (a’) la supériorité de l’amour - versets 8-13 (voir Talbert, p. 109).}. Ce texte présente non seulement une comparaison entre l’amour et les dons comme le don des langues et le don de prophétie - dont il est question au chapitre 14 - mais il explique ce qu’est l’amour et ce qu’il n’est pas de façon à lutter contre un problème propre à l’Église de Corinthe ^{592Carson, p. 53.}.DDP 206.1

Le chapitre 14 s’inscrit «dans ce large cadre théologique ^{593Fee, The First Epistle to the Corinthians, p. 652.}» en mettant l’accent sur l’intelligibilité (1 Corinthiens 14.1-25) et l’ordre (versets 25-40) qui sont nécessaires pour que la vie spirituelle, l’orientation morale et l’unité du corps puissent progresser. Les «meilleurs dons» dont il parle plus tôt (1 Corinthiens 12.31) ^{594 Il y a à la fois un lien et un changement d’emphase entre le chapitre 12 et le chapitre 14: «Passionnez- vous pour les meilleurs dons de la grâce» (1 Corinthiens 12.31) et «Aspirez aussi aux pratiques spirituelles.» (1 Corinthiens 14.1) À la fin du chapitre 12, Paul parle des dons comme étant le fruit de la grâce, alors qu’au début du chapitre 14, il se concentre sur l’action de l’Esprit au sein de la communauté et de l’adoration. Voir ibid., pp. 654, 655.} sont ceux qui édifient la communauté ^{595Ibid., pp. 654. 1 Corinthiens 14.4,5,12,17,26 ; voir 1 Corinthiens 12.7.}.DDP 206.2

Paul choisit le don de prophétie pour représenter les «meilleurs dons ^{596Ces dons qui édifient sont le don de prophétie, le don de l’enseignement, la parole de révélation, de connaissance, les paroles de sagesse, le discernement spirituel, l’évangélisation, l’apostolat, l’administration et l’exhortation (1 Corinthiens 10.6,26; voir 1 Corinthiens 12.8-10,28,29; Éphésiens 4.11 ; Romains 12.6-8. Ibid.}», affirmant qu’il faut aspirer à ce don plus qu’au don des langues. Il en est ainsi, car celui qui prophétise édifie, exhorte et console (1 Corinthiens 14.3). Le premier mot, «édification» (oikodomēn), est le fil conducteur de tout le chapitre et permet de comprendre la nature du don de prophétie authentique ^{597Ibid. 1 Corinthiens 14.3-5; voir les versets 26 et 31.}. Le chapitre est encadré par une inclusio littéraire - les versets 1 et 39, «aspirez à parler en prophètes» ^{598Talbert, p. 110.} - et au milieu se trouve une comparaison sur le don des langues et le don de prophétie : Je veux bien que vous parliez tous en langues, mais je préfère encore que vous parliez en prophètes. (verset 5) Ce contraste inattendu au sein de cet inclusio permet de définir le sens de l’expression «meilleurs dons» de la première exhortation (1 Corinthiens 12.31) et de comprendre précisément pourquoi le don de prophétie est considéré comme étant plus grand, à savoir qu’il édifie. Cependant, le don de prophétie n’est pas naturellement plus grand que le don des langues ou que tout autre don, puisque tous les dons viennent du Saint-Esprit et sont donnés pour le bien de tous (versets 7-11) ^{599The First Epistle to the Corinthians, p. 653.}. Pourtant, le don de prophétie est plus grand que le don des langues ^{600 Diverses présuppositions déterminent la traduction du nom glōssa - le mot générique «langue», «langage» ou «déclaration extatique». Les événements qui se produisirent à la Pentecôte et qui sont décrits dans Actes 2.5-11 - quand la foule entendit les 120 personnes parler en différentes langues étrangères et non la leur - nous indiquent dans quel contexte il faut situer la réflexion menée par Paul dans 1 Corinthiens 12 à 14. Le mot «langue» fait référence à des langues étrangères, quelque chose qui devait être évident dans une communauté commerciale internationale telle que Corinthe, où une cacophonie de langues devait se faire entendre. Les problèmes de communication dus à cette multiplicité des langues apparaissent dans 1 Corinthiens 14 (voir 1 Corinthiens 14.8-10). Paul se préoccupe de l’étranger, de l’incroyant et de l’autre. Il veut dire que les langues étrangères inconnues divisent les gens au lieu de les unir. La capacité de comprendre (grâce à l’interprétation d’une langue étrangère si nécessaire) est cohérente avec le souci de Paul de promouvoir l’édification. Parler une langue étrangère pour le plaisir sans aucun effort d’interprétation et sans considération pour la vie de la communauté était inutile. C’était une source de division. Voir Bailey, pp. 392-394 ; Dictionary of Paul and His Letters, s.v. Tongues.}, précisément parce qu’il est intelligible et qu’il peut donc édifier ^{601Fee, The First Epistle to the Corinthians, p. 659.}.DDP 206.3

Ce contexte suggère que le don de prophétie n’était peut-être pas un problème à Corinthe. Il montre aussi que ce que Paul affirme concernant le don de prophétie doit être compris à la lumière de ce qu’il déclare au sujet du don des langues et de possibles abus.DDP 207.1

Pourtant, certaines personnes considèrent malgré tout que le fait que Paul évoque uniquement deux dons spirituels - le don de prophétie et le don des langues - signifie peut-être qu’il y avait des différends, des querelles ou des doutes à ce sujet^{602 Carson, p. 100. Carson déclare : «Il est même possible que les Corinthiens considèrent ces deux dons comme appartenant au don de prophétie et que Paul lui-même ait fait la distinction.» Cependant, même si Paul parle essentiellement du don de prophétie et du don des langues, il évoque d’autres dons contribuant à l’édification comme le don de la connaissance et le don de l’enseignement (1 Corinthiens 14.6,26).}. Certaines déclarations de Paul semblent indiquer : (1) que la véracité de certaines prophéties devait être prouvée (1 Corinthiens 14.29) ^{603Grudem, pp. 54-62.} ; (2) que certaines prophéties étaient délibérément cachées - et de ce fait peut- être négligées ou perdues (verset 30) ^{604Ibid., pp. 62-66.}; (3) qu’il y avait des degrés dans l’expérience, la portée, la véracité et l’autorité prophétique (versets 29, 32, 36, 37, 38) ; (4) que certaines personnes qui prophétisaient ne parlaient peut-être pas avec une autorité divine (verset 36) ^{605Ibid., pp. 66, 67.} ; (5) que la façon de prophétiser à Corinthe, comme le fait de parler en langues, se faisait de façon désordonnée (verset 31); (6) qu’il y avait des prophètes timides, inexpérimentés ou en devenir dans la communauté (verset 37); et (7) que les prophètes de Corinthe avaient manifestement moins d’autorité que l’apôtre (versets 37 et 38) ^{606Ibid., pp. 67, 68.}. Nous montrerons cependant que ce n’était pas le cas.DDP 207.2

Quoi qu’il en soit, le but principal de Paul est de mettre l’accent sur l’amour qui donne lieu à des paroles intelligibles, ordonnées et édifiantes - que ce soit en parlant en langues ou en prophétisant. Rechercher les «meilleurs dons» signifie donner la priorité au don de prophétie plutôt qu’au don des langues quand elles ne sont pas interprétées.DDP 208.1

Mais pourquoi le don de prophétie était-il considéré comme étant meilleur ? Était-ce ce don en lui-même ? Était-ce le fait que ce soit un don associé à une parole inspirée qui pourrait sans nul doute édifier ? Si tel était le cas, le don de prophétie aurait les caractéristiques de tous les dons spirituels associés à la parole.DDP 208.2

Le chapitre 14 comporte deux parties : (1) une thèse de Paul en deux sous- parties et les arguments correspondants (versets 1-19); (2) deux arguments des Corinthiens suivis des réponses de Paul (verset 20-36). Ce chapitre se termine par un résumé (versets 37-40). Paul présente trois arguments en faveur de l’exercice du don de prophétie en public (versets 6 à 12) et trois arguments en faveur de l’exercice du don des langues avec interprétation en public (versets 13 à 19) ^{607Talbert, p. 110.}. Ce chapitre reflète la position la plus claire et la plus détaillée de Paul sur le don de prophétie^{608Robeck, p. 759.}.DDP 208.3

Voici un récapitulatif de l’inclusio de ce chapitre afin de faciliter la compréhension du rôle du don de prophétie selon Paul :DDP 208.4

. Aspirez au don de prophétie (verset 1, subjonctif- zěloute... hinaprophětreuëte) . Le don de prophétie est supérieur au don des langues quand elles ne sont pas interprétées (versets 2 à 5)DDP 208.5

. Le don des langues n’édifie pas quand elles ne sont pas interprétées (versets 6 à 19)DDP 208.6

. Le don des langues ne convainc ni les incroyants ni les croyants lorsqu’elles ne sont pas interprétées (versets 20 à 23)DDP 208.7

. Le don de prophétie convaincra les incroyants et les croyants (versets 22, 24, 25)DDP 208.8

. Le don de prophétie et le don des langues doivent être mis en pratique de façon ordonnée (versets 26 à 35)DDP 208.9

. Le don de prophétie doit être évalué (verset 29 ; voir 1 Corinthiens 12.10)DDP 208.10

. Le don de prophétie est associé à un critère objectif (versets 36-38)DDP 208.11

. Aspirez au don de prophétie (versets 39 et 40, infinitif - zëloute toprophëteuin)DDP 208.12