Le don de prophétie et le reste eschatologique
Après avoir étudié ce qu’enseigne 1 Corinthiens 14 sur le don de prophétie dans l’Église du Ier siècle, les lecteurs adventistes se demandent peut-être quel est le lien entre l’interprétation de ce passage et l’approche adventiste du don de prophétie en tant que phénomène eschatologique dans l’Église du reste . Il ne suffit pas de dire que le processus prophétique décrit par Paul était en harmonie avec le don de prophétie de l’Ancien Testament . Il ne suffit pas de préciser que le don de prophétie chez les croyants de Corinthe n’était pas de nature différente. Il ne suffit pas d’affirmer que l’approche biblique du don de prophétie et du rôle des prophètes ne permet pas de dire qu’il y aurait différents degrés dans l’inspiration et l’autorité prophétiques.DDP 218.2
Une question se pose cependant : Comment envisager l’exercice du don de prophétie dans l’Église aujourd’hui ? Le don de prophétie était-il uniquement exercé dans le contexte de la création de l’Église du Ier siècle par les apôtres, ou est-il valable pour l’Église de tout temps ? Et l’exercice du don de prophétie consistetil à répondre aux besoins du peuple de Dieu à la fin des temps sur le plan des paradigmes et de l’interprétation ?DDP 218.3
Paul n’aborde pas spécifiquement ces questions dans la première épître aux Corinthiens, mais il fait plusieurs observations auxquelles les adventistes sont invités à réfléchir aujourd’hui. Tout d’abord, en raison de leur nature, les dons spirituels resteront d’actualité jusqu’au retour du Christ : Il ne vous manque aucun don de la grâce, en attendant la révélation de notre Seigneur Jésus- Christ. (1 Corinthiens 1.7) Cela comprend les dons relatifs à la parole et à la connaissance (verset 5), autrement dit le don de prophétie. De plus, Paul affirme que le don de prophétie cessera d’exister quand le Christ reviendra, ce qui sous-entend qu’il existera donc - du moins potentiellement - dans l’Église jusqu’à ce jour-là (1 Corinthiens 13.8-13) . Le don de prophétie n’était pas limité aux apôtres et ne devait pas être exercé uniquement à cette époque. De la même façon, le fait qu’il continue à exister ne doit pas remettre en question l’idée que le canon désormais fermé des Écritures se suffise à lui-même. On observe ce phénomène dans l’Apocalypse de Jean, où le reste eschatologique de Dieu porte «le témoignage de Jésus» (Apocalypse 12.17) qui est défini comme «l’esprit de la prophétie». Conformément à ce que dit Paul, l’Apocalypse décrit un «ensemble de prophètes », ce qui implique que la révélation suscitée par l’Esprit se poursuivra jusqu’à l’ eschaton.DDP 219.1
Deuxièmement, le don de prophétie est un phénomène communautaire. La description métaphorique de l’Église en tant que corps du Christ est liée aux dons spirituels, y compris au don de prophétie. De plus, elle indique que ce corps est le cadre où le don de prophétie se manifeste de la façon la plus significative. Ce contexte, cependant, ne doit pas être vu comme étant uniquement local, congrégationaliste ou centré sur l’adoration. Au Ier siècle, l’activité prophétique était exercée par les apôtres au sens large ; ils prêchaient, enseignaient, et s’impliquaient dans l’organisation de l’Église. Ces personnes avaient des dons qui leur permettaient d’exercer des fonctions de responsables et de faire autorité grâce à leur mise en pratique de l’Écriture. De la même façon, le reste eschatologique comprend une communauté au sein de laquelle l’Esprit de prophétie se manifeste. Ce phénomène prévu pour la fin des temps permet de guider le peuple de Dieu, de le nourrir et de l’inciter à se tourner vers la Bible dans le contexte de l’Évangile éternel (Apocalypse 14.6).DDP 219.2
Troisièmement, le phénomène prophétique mentionné dans 1 Corinthiens est le reflet de thèmes relatifs au conflit cosmique qui sont présents dans les prophéties apocalyptiques - les mystères, la sagesse, la révélation et la connaissance (voir les livres de Daniel et de l’Apocalypse). Pour Paul, le contenu et l’objectif des prophéties ont une dimension morale liée à l’action de Dieu en la personne et l’œuvre de Jésus. Il est question de perspective générale, d’identité chrétienne, de vie intérieure et de mise en pratique de la vérité de l’Évangile en lien avec la vie et le service tant individuels que communautaires. Les prophéties concernent l’œuvre paradoxale du Christ sur la croix, la résurrection, le règne éternel de Dieu, la sagesse apocalyptique et les réalités, ainsi que les événements de la fin des temps. Ces mêmes réalités pauliniennes sont exprimées dans un contexte apocalyptique et prophétique de la vision de l’Apocalypse concernant le reste (Apocalypse 12.7) où le témoignage de Jésus / «l’esprit de la prophétie» (ApocalypseDDP 220.1
19.10) a une dimension mondiale. Par le «témoignage de Jésus», le don de prophétie permet de définir l’identité et la mission du reste grâce à un message et à une approche christocentriques (Apocalypse 12.17 ; 14.6-13 ; voir Apocalypse 10.11). Il est lié à la vie intérieure et au caractère, et permet de mettre en application l’Évangile éternel dans la vie personnelle et celle de la communauté . Le témoignage de Jésus est au cœur du don de prophétie . Il révèle la théodicée de Dieu qui gère la réalité du mal en la personne et l’œuvre de Jésus dans le cadre du conflit cosmique . Il englobe «l’Évangile éternel» (Apocalypse 14.6) . Le lien entre le «témoignage de Jésus» et «l’esprit de la prophétie» (Apocalypse 19.10) place à la fois le «témoignage de Jésus» et «l’Évangile éternel» dans un contexte prophétique et apocalyptique caractérisé par l’urgence . Ainsi, «l’esprit de la prophétie» définit un rôle essentiel d’interprétation pour le peuple de Dieu de la fin des temps, similaire à celui des prophètes du Ier siècle. Cela est cohérent avec l’approche paulinienne du don de prophétie que nous avons vue dans 1 Corinthiens.DDP 220.2
Quatrièmement, le don de prophétie en tant que phénomène communautaire est le signe indéniable de la présence et de la bénédiction de Dieu au sein de cette communauté (1 Corinthiens 14.22) . L’activité prophétique montre que Dieu est présent et actif - quelque chose qu’une personne extérieure pourrait constater (versets 24 et 25). De la même façon, l’existence du don de prophétie n’est pas une caractéristique abstraite du reste eschatologique. Le fait qu’il existe est le signe de la présence personnelle de Dieu et du Saint-Esprit qui guide le peuple de Dieu et lui accorde des bénédictions liées à l’expression de la vérité dans le cadre du conflit cosmique . Tout cela est aussi important pour l’identité, le message et la mission de l’Église de la fin des temps que cela l’était pour celle du Ier siècle .DDP 221.1
Enfin, tous les prophètes du Ier siècle agissaient sous l’autorité de la tradition prophétique biblique . Il n’y avait pas d’autorité prophétique indépendante dans l’Église du Ier siècle, ou si cela semblait être le cas, elle n’était pas authentique . Il n’y avait pas non plus de hiérarchie prophétique en ce qui concerne un degré d’inspiration et de révélation d’un côté ou d’autorité prophétique de l’autre. Bien que certaines personnes considèrent qu’à la fin du Ier siècle, les prophètes supplantèrent les apôtres, l’Apocalypse place clairement «l’esprit de la prophétie» dans le cadre de la tradition historique prophétique et apostolique, qui forme le contexte historique, théologique et éthique de son existence [l’esprit de la prophétie], de sa véracité et de son autorité. Ce faisant, le dernier livre de l’Écriture confirme que «l’esprit de la prophétie» joue un rôle essentiel d’interprétation pour le peuple de Dieu de la fin des temps, similaire à celui des prophètes du Ier siècle, comme en témoigne la première épître de Paul aux Corinthiens. Le témoignage biblique concernant le phénomène prophétique dans 1 Corinthiens 12 à 14 est cohérent avec celui du livre de l’Apocalypse.DDP 221.2